Interviews
21 octobre 2019
Vanessa de Jaegher est ce qu’on pourrait appeler une parisienne par excellence. Perpétuellement en boots, avec une veste Saint Laurent piquée au rayon homme, elle connaît la capitale comme sa poche, y a grandi, y élève ses deux filles, et y connaît tout le monde dans le milieu très fermé du bijou. Créatrice de la marque Stone en 2003 avant de la céder à son associée, elle est aujourd’hui à la tête de sa marque éponyme. Créatrice et ambassadrice de ses bijoux aux accents rock, parfois bohèmes, mais toujours très chics uniquement à base de diamants, c’est animée d’une histoire familiale fondatrice et passionnée par son métier que Vanessa de Jaegher s’est livrée en exclusivité à La Grande Boutique.
Je suis tombée dans la marmite toute petite… Mon père partait au Brésil acheter des émeraudes, en Asie pour les saphirs et des rubis, en Inde pour les diamants, en Thaïlande, à Hong Kong, il n’y avait pas internet donc les “vrais” acheteurs de pierres voyageaient dans le monde entier pour la Place Vendôme à Paris. Ma mère dessinait pour d’autres, puisque seulement quelques maisons contrôlaient le marché. Le dimanche après-midi, mon père triait des pierres et on le faisait avec lui. Depuis que je suis enfant, je suis capable de distinguer une émeraude d’un saphir. Il y avait des pierres précieuses qui traînaient partout à la maison, c’était notre univers… A Noël, on nous offrait toujours des bijoux. Alors qu’à 15 ans, je ne rêvais que d’une chose, c’était d’un blouson Chevignon !
Non, pas du tout ! J’ai baigné là-dedans mais aussi curieux que cela puisse paraître, l’impulsion de départ est venue de l’extérieur. A l’époque où j’ai monté Stone (NDLR: sa précédente marque de bijoux) avec une amie, elle m’a dit « on peut faire des bijoux ». Je savais comment on fabriquait un bijou, j’avais des bases sur la taille des diamants et j’avais surtout le carnet d’adresses de mon père, partout dans le monde ! C’était un milieu très fermé encore à l’époque, quand nous sommes allées voir un fabricant avec mon amie en 2004, on s’est présentées avec nos dessins et nos prototypes, il a dit non jusqu’à ce que je montre patte blanche…
Elle est très variée… Je travaille toujours en famille, avec ma soeur, aujourd’hui avec ma nièce Clara. Et sinon, concrètement, j’ai besoin de mes deux cerveaux à chaque instant ! Je dois être capable de faire un bon de commande détaillé en fonction de la taille de la pierre, des spécificités qui sont variées, la facturation ce genre de choses… et puis il y a tout l’aspect créatif où j’ai plus tendance à me mettre dans une bulle et à me sortir de tout ce que je peux faire au quotidien. J’ai de la chance parce que j’ai une vraie facilité à faire pendant 5 heures du back office, puis m’en extraire complètement pour me mettre dans une bulle de créativité. Je mets de la musique et c’est parti ! Il n’y a donc pas vraiment de journée type…
Je dirais qu’ils sont très rock et en même temps ils peuvent être très gipsy bohème. Selon les finitions, le même bijou ne va pas avoir la même allure. Un bijou rhodié en noir aura un côté plus “dark”, plus rock alors qu’en blanc, il va beaucoup plus romantique.
Je regarde beaucoup les défilés, mais je ne pense pas à un style en particulier. Je regarde ce que les créateurs font en matière de vêtement, cela peut m’inspirer, je vois dans quelle direction ils vont. Ça m’amuse d’imaginer quel bijou pourra aller avec mais je prends aussi beaucoup en compte mes envies personnelles. Je suis influencée par beaucoup d’autres choses, comme les tatouages des gens, des photos d’artistes par exemple. J’aime beaucoup celles de Jimmy Hendrix ou de Picasso. J’adore une photo de lui avec une coiffe d’Indien. Chaque inspiration va m’emmener dans un univers différent. J’adore le cinéma de Tarantino aussi… En fait, j’ai une excellente mémoire des images, et tout ça crée une grande source d’inspiration permanente.
C’est vraiment par phases… il y a des moments où je vais dessiner que des boucles d’oreilles, à d’autres moments ce sera des colliers, puis des bagues… En fait, quand je commence à dessiner une bague, j’en dessine quinze ! Je ne vais pas faire produire les quinze, mais comme une idée en amène une autre, je me laisse aller. Généralement, j’en choisis qu’une ou deux, puis autour de ça, j’élabore une collection.
Je pense qu’il y a véritablement une tendance dans le bijou. Quand on regarde ce que font les autres, on retrouve des traits communs. Par exemple, j’ai fait des chevalières au tout début, et on m’a dit que c’était risqué compte tenu de l’aspect évocateur assez codé de ce bijou et regardez aujourd’hui, il y en a partout !
C’est super difficile ! J’hésite entre mes boucles d’oreilles et mes bagues… j’opte pour les boucles d’oreilles, je les garde tout le temps !
Comments are closed here.