Interviews
25 mars 2024
C’est dans un atelier baigné de lumière proche de la place de la Bastille à Paris que l’on rencontre Elia Pradel, alias Anicet Bijoux. Cette jeune créatrice de 31 ans bénéficie d’un local pendant deux ans mis à disposition par les Ateliers de Paris, un incubateur de la Mairie de Paris. Autodidacte et passionnée par l’upcycling et les bijoux, cette jeune femme a créé sa marque il y a un peu plus de 3 ans, un label qui donne une seconde vie aux bijoux qui dorment au fond des tiroirs. Une quête de style et de sens qu’elle explique à La Grande Boutique.
Comment est arrivée la création de la marque Anicet dans votre vie ?
La passion pour les bijoux date de ma jeunesse. Je créais déjà des bijoux à l’époque, je les revendais, j’organisais des sortes de réunions Tupperware chez moi. Ça s’appelait « les bijoux d’Elia ».
J’achetais des cristaux de Swarovski et je fabriquais des bijoux dans ma chambre, j’utilisais des techniques de tissage, de tressage etc. C’était plutôt des formes naturelles comme des fleurs. J’ai grandi en Guadeloupe, alors j’étais assez influencée par la nature environnante.
J’ai fait ça jusqu’à mon Bac et après je suis partie à Lyon faire une classe préparatoire et une école de commerce. Finalement je me suis plutôt spécialisée en entreprenariat et innovation. Et comme on revient toujours à ses premières amours, après 3 ans de parcours plus classiques dans l’entreprenariat, j’ai décidé de lancer Anicet. Notre concept ? Revaloriser des anciens bijoux qui viennent de professionnels de la brocante et leur donner une seconde vie.
D’où vient cette envie de transformer des bijoux anciens ?
Quand j’ai lancé Anicet, ça faisait déjà 10 ans que j’avais une consommation « consciente » pour mes vêtements par exemple. Je m’habille en seconde main, j’aime dénicher de beaux objets et de beaux meubles vintage pour mon intérieur et j’aimais aussi beaucoup les bijoux vintage. Lancer cette marque était la réunion de toutes ces appétences. J’ai aussi eu envie de proposer quelque chose qui pollue au minimum. L’ADN de la marque c’est évidemment produire moins mais mieux avec ce qu’on a sous la main. Et puis j’aime l’idée de célébrer la mémoire des bijoux oubliés qui dorment au fond des tiroirs. Il y a cette notion de comment on transmet cette mémoire, comment on la repense, comment on transmet des bijoux qui sont une somme de petits bouts d’histoire qui ont façonné un seul objet. Ce sont des questions de sens qui m’animent beaucoup.
Vous établissez également un lien entre vos bijoux et votre identité créole, pouvez-vous nous l’expliquer ?
Notre travail d’upcycling tourne autour de la maille, notamment des mailles singulières, avec des formes sculpturales et l’idée c’est vraiment d’aller jouer sur la décomposition et la recomposition de mailles, un peu comme la forme d’un collage finalement. L’identité créole, c’est ça. C’est un collage de plusieurs identités, de plusieurs histoires et tout un chacun, dans notre façon d’être, nous sommes la somme de plusieurs identités qui vont nous permettre d’exister en tant qu’individu, de nous affirmer en tant que personne.
Que signifie le nom de la marque, ANICET ?
C’est tout d’abord le deuxième prénom de mon papa. Je voulais absolument un lien avec la Guadeloupe. C’est l’anagramme du mot « ancient » en anglais, qui veut dire ancien. Comme on travaille avec des bijoux anciens, c’est un clin d’oeil. Enfin, je voulais surtout un nom mixte et je trouve que quand on dit Anicet, on ne sait pas si c’est masculin ou féminin et l’idée de la marque au départ, c’était de proposer des bijoux qui peuvent convenir aussi bien à un homme qu’à une femme.
C’est un parti pris créatif pour vous que vos bijoux conviennent autant aux femmes qu’aux hommes ?
Oui, c’est très important. J’aime bien dire qu’un bijou, s’il plaît, ce n’est important si la personne est une femme ou un homme. Comme les vêtements. Je pense la même chose pour l’âge. J’ai beaucoup de femmes d’âge très mûr qui achètent mes bijoux parce qu’elles reconnaissent dans mes créations des maillons, des souvenirs d’enfance. Pour autant, je travaille sur des formes et des esthétiques très modernes et proposent des créations contemporaines en associant l’or avec l’argent, en mélangeant les mailles etc. L’idée, c’était également de créer des bijoux singuliers et uniques mais qui parlent au plus grand nombre.
Comment se passe le processus créatif chez Anicet ?
Tout commence vraiment dans le travail de recherche de matières, qui est une étape cruciale car on va vraiment chercher à dénicher des mailles singulières. Souvent, nous sélectionnons des mailles en plaqué or ancien, qui est un procédé de plaquage qui a été inventé par des bijoutiers français de la région toulousaine et bordelaise dans les années 70 et 80. Ensuite, l’idée va être de jouer sur les structures rythmiques des pièces. Comme j’ai fait beaucoup de danse, j’aime bien dire qu’il y a des couplets et des refrains dans les bijoux. On crée des formes répétitives parfois ou à l’inverse, nous créons des effets de contrastes, que ce soit entre les matériaux, or et argent, ou entre les formes. On peut associer des mailles masculines à des mailles romantiques par exemple. Enfin, on aime bien travailler l’idée du fermoir apparent alors que normalement c’est un élément caché dans un bijou.
Est-ce que cette dynamique créative a donné un style à Anicet ? Sauriez-vous le définir ?
Oui, je crois qu’Anicet a une identité assez forte. Nos bijoux sont assez sculpturaux et contemporains. Ils s’appuient tous sur un jeu de contrastes et de matières.
Quels sont les bijoux que vous préférez travailler ? Avez-vous des bijoux coups de coeur ?
C’est difficile pour moi d’avoir un bijou coup de coeur parce que nous avons la chance de travailler avec des pièces uniques, c’est ça que j’aime dans ce métier. Parfois, c’est vrai qu’il arrive qu’on tombe sur des pépites. Mais si je devais choisir, je crois que mes préférées sont les pièces les plus discrètes, celles qui sont dans notre collection permanente. (disponibles sur La Grande Boutique).
